À deux pas des plages du Débarquement, le musée la Station Radar 44 est installé dans une unique et authentique station de détection aérienne de la Luftwaffe.
Cette station fait partie des fortifications du Mur de l’Atlantique, système de défense construit par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Ce mur allait de la Norvège à la frontière hispano-française. Il était complété par des champs de mines, des kilomètres de barbelés et des défenses de plage.
Le musée offre une immersion dans 2 bunkers aménagés et 9 salles souterraines, complétée de 2 films.
Philippe Renault, président de l’association et guide au musée nous dévoile dans cet article quelques anecdotes des lieux…
À travers la visite guidée passionnante ou avec l’application gratuite façon audioguide, découvrez « la guerre des ondes », un aspect bien souvent ignoré de la bataille de Normandie, qui a pourtant eu une importance décisive sur le cours du conflit.
La guerre des ondes
Le succès du Débarquement en Normandie tient à une stratégie militaire inégalée, une formation rigoureuse des soldats, des informations tenues secrètes jusqu’au Jour J et des innovations technologiques sans précédent.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le radar joue un rôle essentiel dans la conduite des opérations militaires d’un point de vue défensif et offensif.
Dans les années 30, les ingénieurs allemands et alliés se livrent à une véritable guerre des ondes. Mais chacun ignore complètement l’état d’avancement des recherches de l’autre.
Les avions alliés qui venaient d’Angleterre mettent en moyenne 20 minutes pour traverser la Manche. L’objectif des Allemands est donc de détecter les avions rapidement et de prévenir leurs assauts.
Les 5 radars installés à Douvres-la-Délivrande mettent en grande difficulté l’aviation alliée. Mais les Britanniques n’ont pas dit leur dernier mot…
Suivez les aventures de Vlad, le vampire mémoriel qui vous présente la Station radar à sa façon :
Pourquoi l’une des stations radar allemandes a été construite à Douvres-la-Délivrande ?
Crédit : Coraline et Léo
La ville de Douvres-la-Délivrande représente un point stratégique, entre Caen et le littoral et entre Courseulles et Ouistreham.
C’est sur cette parcelle de 35 hectares, et à 50 mètres au-dessus du niveau de la mer, que les Allemands ont décidé d’installer une station de détection lourde.
Combien y avait-il de station de détection lourde en France à ce moment-là ? en Europe ?
À partir de l’été 1941, de nombreuses unités de chasse allemandes sont transférées sur le front de l’Est.
Pour compenser ce dégarnissement, la chaîne de détection va être considérablement renforcée, jusqu’à compter 300 radars de Dunkerque à Brest et 92 stations.
Parmi celles-ci, seules 6 sont ce que nous appellerions aujourd’hui des stations principales ou des stations directrices. « Distelfink » à Douvres-la-Délivrande en est une.
Que trouve-t-on sur cette station radar ?
À partir de février 1942, l’organisation TODT (organisme du génie civil œuvrant au service du Troisième Reich) commence les travaux d’une trentaine d’ouvrages bétonnés. Environ 1000 personnes ont travaillé sur ce chantier : travailleurs réquisitionnés par le STO (Service du Travail Obligatoire), ouvriers des entreprises de BTP ainsi qu’un contingent de travailleurs étrangers, notamment des Italiens.
La station radar est opérationnelle au printemps 1943. Les travaux continuent jusqu’en juin 1944.
- 5 radars y sont installés : La partie Nord du camp accueille un radar géant Wassermann, haut de 65 mètres, avec un rayon de détection de 400 kilomètres.
- La partie Sud abrite 2 radars de veille Freya d’une portée de 200 kilomètres, ainsi que 2 Würzburg-Riese, radars de poursuite d’une portée de 80 kilomètres, avec une par
- abole de 7,5 m de diamètre orientable.
À noter : le musée est aujourd’hui le seul site en France présentant l’un des 5 exemplaires au monde du radar Würzburg. Les Allemands en avaient construit 1500 exemplaires.
Le cœur de la station est installé dans un bunker enterré de deux étages « Anton » qui abrite les appareils de coordination radar et le Poste de Commandement.
Ses murs sont très épais, les portes sont blindées. On note aussi la présence de sas anti-gaz et d’un ingénieux système de ventilation.
Des baraquements en bois accueillent la partie administrative.
Des bunkers protègent les abords du camp, d’autres servent au logement des soldats.
Qui occupait cette station ?
Environ 230 hommes de la Luftwaffe. On y trouve bien sûr des soldats mais aussi des électriciens, des mécaniciens, des opérateurs téléphoniques et radars et des contrôleurs aériens.
Il y avait un fort taux de recrutement féminin pour les transmissions radio aussi bien du côté allemand que du côté allié, pour deux raisons :
La voix féminine est plus audible et… les femmes savent mieux garder le secret que les hommes !
Certaines des femmes qui ont travaillé en tant qu’opératrice radio n’ont jamais raconté à leur époux le rôle qu’elles avaient tenu durant la guerre, gardant ainsi le secret de la stratégie militaire.
Un site bien gardé ?
Aucun civil n’était autorisé à pénétrer dans la station.
Mais en 1942, M. Pierre, le Maire de la petite commune voisine de Tailleville y rentre sans souci !
Durant la construction de la station radar, le Hauptmann Dr Jäger, commandant la compagnie, occupe le château de Tailleville dont le Maire, M. Pierre, propriétaire, a été expulsé.
Lorsque le capitaine allemand prend ses quartiers dans la station, M. Pierre trouva un stratagème pour s’y introduire.
Il se souvenait que le capitaine admirait les lilas de son parc lorsqu’il occupait le château. Il en coupe une grande brassée et se présente froidement au poste de garde expliquant qu’il veut l’offrir au capitaine. Celui-ci le reçut aimablement.
M. Pierre a donc traversé le camp sous le regard éberlué des Allemands qui se demandent comment ce Français peut se promener avec sa charrette dans cette station top secrète !
Que s’est-il passé le 6 juin ?
Quelques semaines avant le Débarquement, l’aviation alliée procède à plusieurs raids contre la station radar, comme elle le fait sur l’ensemble des installations allemandes du Nord-Ouest de la France afin de ne pas laisser deviner le lieu du Débarquement.
Crédit : IWM B 6310
Le matin du 6 juin 1944, un avion britannique détruit l’antenne Wassermann qui était déjà hors service depuis plusieurs jours.
Dans l’après-midi du 6 juin, des soldats Canadiens appartenant au régiment du Royal North Shore, venant de Saint-Aubin-sur-Mer (Juno Beach), se heurtent aux défenses du camp. Ils décident de laisser cet obstacle aux troupes britanniques.
Du 6 au 17 juin, la garnison repousse plusieurs assauts et continue de renseigner leur état-major sur les mouvements de troupes qu’ils peuvent apercevoir de la station.
L’artillerie navale et l’aviation bombardent les positions allemandes, causant des dommages dans Douvres et tuant plusieurs civils.
Enfin le 17 juin, 3 assauts menés par le 41ème Royal Marine et les chars spéciaux du 22ème Dragoon mettent fin à la résistance allemande.
Les troupes britanniques investissent les bunkers allemands et occupent leurs positions. La dernière poche de résistance disparue, la libération de Douvres est enfin effective, 11 jours après le Débarquement.
Crédit : IWM B5267, B5510A, 5266
Comment les Alliés ont-ils réussi à brouiller les radars pour que le Débarquement soit un succès ?
Crédit : IWM AIR 258
Appelées windows par les Anglais, des bandelettes d’aluminium sont larguées en grande quantité par l’aviation britannique dans la nuit du 5 au 6 juin du côté du Havre et de Boulogne pour simuler l’approche d’une importante flotte de débarquement.
Elles brouillent et dupent les radars.
Le leurre est un succès car les opérateurs de la station douvraise informe leur État-major que des milliers de bateaux approchent des côtes.
Le haut commandement allemand est persuadé que le débarquement aura lieu dans le Pas-de-Calais.
À quoi a servi la station après le 17 juin 1944 ?
La station radar a servi… de coffre fort !
Le Royal Army Pay Corps (RAPC) est un corps d’intendance de l’armée britannique qui assure le financement de l’armée en campagne et paie la solde des soldats au front.
Dès le 6 juin 1944, le RAPC se charge d’acheminer des coffres de billets de banque français dans les caves d’un château dont les fondations ont été renforcées avec du béton.
Mais les caves s’avèrent bientôt trop petites.
Le 6 juin 1944, chaque soldat débarquant sur les plages normandes avait 200 francs en poche.
C’est alors que les membres de la RAPC entendent parler de la station de détection aérienne de la Luftwaffe qui vient d’être neutralisée. Les bunkers feront office de coffres forts.
Le 15 juillet, les fonds (2 milliards 899 millions de Francs tout de même !) sont transférés à la station radar à Douvres-la-Délivrande où 5 salles fortes sont créées, une pour chacune des devises :
- « Tomcat » pour les Francs français,
- « Friable » pour les Francs belges,
- « Lilith » pour les Florins hollandais,
- « Duo-Deno » pour les Couronnes danoises,
- « Wild Dog » pour les Marks allemands.
Tous les jours, des camions livrent dans la plus grande discrétion les unités au front. Personne à Douvres ne se doute de quoi que ce soit !
Le 25 septembre 1944 le front étant en Belgique, 6 milliards 500 millions de Francs sont transférés à la Banque de France à Paris.
Il reste des traces des coffres forts dans les bunkers de la station radar. Les guides ne manqueront pas de vous les montrer.
C’est à Douvres qu’a été imprimé le premier journal de la France libérée
M. Gazeau et sa fille vérifient minutieusement les textes de la Voix des Alliés, crédit : IWM B 8007
Dans les jours qui suivent le Débarquement, les Services d’information des armées canadienne et britannique (les Amplifier Units) diffusent des communiqués de presse.
À Douvres-la-Délivrande, Monsieur Gazeau, imprimeur, les reçoit. Mais il n’a alors ni papier ni électricité. Il ne peut que les recopier et les polycopier pour les afficher, à partir du 22 juin, à la Mairie, à la Poste, à la porte de l’école et à la vitrine de quelques magasins.
Au bout d’une semaine, les Anglais lui apportent du papier et un groupe électrogène, ce qui lui permet de redémarrer l’imprimerie.
Monsieur Gazeau pourra ainsi tirer jusqu’à 4500 exemplaires d’un bulletin quotidien qui sera distribué gratuitement tous les jours (sauf le dimanche) dans les villages des alentours, faisant de « La Voix des Alliés » le premier journal de la France libérée.
Vidéo de la diffusion de la Voix des Alliés :
Crédit : Imperial War Museum
Informations pratiques
Venez comme vous êtes…
…ce slogan pourrait être celui de la station radar 44 si une célèbre marque ne l’avez pas déjà utilisé !
Vous voyagez avec un chien ?
Pas de problème, ils sont acceptés sur l’ensemble du parcours extérieur.
Un bar à toutou est même proposé à l’entrée de la boutique.
Vous circulez avec votre vélo ?
Labellisé Accueil Vélo, le musée offre plusieurs services pour les cyclotouristes (recharge batterie VAE, kit de réparation, compresseur portatif…)
Vous roulez en camping-car ou à moto ?
Le grand parking gratuit du musée est à votre disposition sur les horaires d’ouverture.
Vous êtes plus branchés numérique que visite guidée ?
L’application gratuite et sans téléchargement Wivi s’utilise comme un audioguide sur votre smartphone :
Informations pratiques :
Station Radar 1944
DOUVRES-LA-DELIVRANDE
Installé dans l'ancienne station de détection allemande, le musée radar présente, dans les bunkers d'époque, l'histoire du site et du […]
Photo de mise en avant : Coraline et Léo
