Entre Ouistreham et Courseulles-sur-Mer, les cabines de plage font partie intégrante du paysage de la Côte de Nacre.
Les cabines ont toute un point commun : leur couleur blanche.
Ces cabanes immuables permettent aux propriétaires de disposer d’une maisonnette secondaire, les pieds dans le sable.
Depuis quand existent les cabines de plage sur la Côte de Nacre ?
Crédit : Archives du Calvados
La première cabine de Luc-sur-Mer daterait de 1820, elle est posée à cette époque à même le sable.
Avec la construction de la digue dans les années 1860, les cabines fleurissent sur le littoral normand.
Leur origine est étroitement liée au développement des bains de mer au XIXe siècle, sur la côte normande.
L’air iodé et salin de la Normandie est vivement recommandé par les médecins hygiénistes.
Les vertus de l’eau de mer et les mondanités des stations balnéaires, associées au développement du chemin de fer en 1870, attirent des milliers de villégiateurs essentiellement parisiens.
À quoi servaient les cabines ?
Crédit : Vincent Rustuel
Les toutes premières cabines étaient montées sur roues et tirées par des chevaux.
Elles étaient amenées jusqu’à l’eau pour que les baigneurs puissent prendre l’eau à l’abri des regards indiscrets.
Elles sont installées par les hébergeurs et les restaurateurs pour leurs clients.
Ces espaces miniatures, comme une maison de poupée, ne sont plus seulement utilisées pour le bain, elles confirment aussi une certaine position sociale.
Depuis la cabine, on se fait remarquer, on observe les passants, on discute des derniers potins, etc.
Après la Seconde Guerre mondiale, la cabine devient une maisonnette secondaire
La cabine a le parfum des vacances.
On y retrouve les grands-parents, les oncles et tantes, les cousins.
On y pique-nique, on y joue.
Elles se transmettent pour la plupart de génération en génération.
Observez-les bien. Certaines cabines ont été baptisées par leur propriétaire : copains Cabana, carré d’as, hôtel de la plage…
ON Y TROUVE LE NÉCESSAIRE POUR LA PARTIE DE PÊCHE, LA BAIGNADE ET LA CONSTRUCTION DES CHÂTEAUX DE SABLE.
MAIS AUSSI QUELQUES TRANSATS, LE MOLKY DE PAPI, LES LIVRES PRÉFÉRÉS DE MAMI SUR L’ÉTAGÈRE.
ET ENFIN UNE PETITE TABLE PLIABLE OÙ TRÔNE LE GOÛTER DU JOUR.
La cabine comme lieu d’expression
Aujourd’hui, certaines cabines sont utilisées comme espace d’expositions.
Sur la digue promenade de Luc-sur-Mer, certains artistes immortalisent dans leurs aquarelles les couleurs changeantes du ciel normand, à la façon des Impressionnistes.
L’été, quelques stations balnéaires organisent un concours de décorations de cabines, avec comme thème privilégié, la mer, bien sûr.
Comment construit-on une cabine de plage ?
Quelques entreprises sont habilitées à construire les cabines.
C’est un savoir-faire précis, avec un cahier des charges strict et des dimensions imposées, afin de conserver une uniformité.
Il faut minimum 3 semaines pour réaliser une cabine.
En effet, ce qui donne le charme à la Côte de Nacre, c’est ce collier de cabanes identiques avec leur façade en bois blanc.
Différents bois sont utilisés : du sapin mais aussi du bois exotique, particulièrement résistant aux intempéries.
Visionnez le reportage « 50 nuances de Nacre » de l’émission Vachement Normand, France 3 Normandie, qui dévoile les constructions des cabines de plage :
Témoignage : l’histoire de la cabine de plage de la famille Flambard
Lutin de souche (chic nom donné aux habitants de Luc-sur Mer), né en 1953, Jacques Flambard a hérité de la cabine de ses parents, qui eux-mêmes en avaient hérité de leurs aïeux.
Menuisier de métier, son grand-père avait participé activement à la reconstruction de ces cabines suite à l’Occupation, durant laquelle les Allemands avaient demandé leur retrait.
Photos de la famille de Jacques Flambard prises dans les années 1960.
Jacques se souvient avec nostalgie des dimanches après-midis passés à la mer
Ma tante, mon oncle et mes cousins venaient chez mes grands-parents dans la matinée. Toute la famille se rendait ensuite à la cabine vers les coups de 11h avant la baignade.
Ensuite, nous rentrions à la maison pour une courte pause déjeuner avec déjà l’envie secrète d’y retourner une fois la digestion passée !
Pendant ce temps-là, mon grand-père allait au casino de Luc-sur-Mer jouer à la boule. C’était son plaisir à lui. Quand il revenait, il nous donnait des sous.
Ni une ni deux, on filait en compagnie des cousins s’acheter une baguette avec le chocolat.
Le soir, notre petit rituel c’était d’aller déguster une Gui-Gui, ce bonbon enroulé autour d’un bâton, en regardant le coucher du soleil.
Transmettre à sa petite fille ce qu’il a vécu enfant…
Lorsqu’il a été papa à son tour, Jacques n’a pas dérogé à la règle.
Il a perpétué la tradition d’emmener ses enfants puis sa petite fille à la cabine le week-end, et même après sa journée de travail.
Voilà un prétexte tout trouvé pour resserrer les liens entre générations et garantir à chacun des souvenirs inoubliables !
Maintenant à la retraite et à son tour grand-père, il continue d’en profiter en famille ou avec les amis chaque fois que c’est possible. Il nous explique :
On y trouve de tout, nous confie-il en souriant, même de la vaisselle et finalement on la considère comme notre deuxième chez-nous. Le dimanche, on invite nos amis à la cabine plutôt qu’à la maison. Ambiance conviviale garantie !
La quatrième génération
Jacques nous confie :
Ma fille qui vit maintenant en région parisienne se rend compte de ce qu’elle a perdu en partant de Luc-sur-Mer et ne souhaite qu’une chose : retrouver les souvenirs et les transmettre à son tour.
D’ailleurs, la cabine fera partie de son héritage. De si bons moments passés en famille, ça ne s’oublie pas !
Les cabines de plage face à la terrible tempête de 1999
Crédit : F. Dupont, Bernières-sur-Mer
Le dimanche 26 décembre 1999, la tempête Lothar a traversé de nombreuses régions françaises, détruisant tout sur son passage.
À 6h, des rafales de vent à 150 km/h de moyenne ont frappé la Côte de Nacre.
La plupart des cabines n’ont malheureusement pas résisté.
À Bernières-sur-Mer, les propriétaires s’organisent et, petit à petit, les petites cabines blanches retrouvent leur emplacement, face à la plage Juno Beach.
La vie continue…
Crédit photo : D. Bordas, Loïc Durand-Calvados Attractivité